Gens de chez nous !Saint-Pamphile, Tout L'Islet-Sud

Mme Louise Bélanger, gestionnaire d’un programme mondial de formation de réfugiés en partance pour le Canada

Par Journal l'Écho d'en Haut le dans Mondial, Réfugiés.

Y a-t-il un chemin prédestiné devant chacun de nous?   Je me suis souvent demandé cette question?  Est-ce la curiosité, la soif de l’aventure, ou simplement cette motivation personnelle de prendre des risques et de voir où cela mènera?  Sans doute, c’est un mélange de bien des choses.

Mes parents sont Gabriel Bélanger et Anne-Marie Miville.  Je dirais que c’est un privilège d’avoir pu grandir à Saint-Pamphile, dans une grande famille, avec de si bons parents, et sur une ferme.   

Je suis enseignante de formation, avec un Baccalauréat en Éducation (de l’Université de Régina, en Saskatchewan) et une Maîtrise en Éducation (de l’Université d’Ottawa, en Ontario).   Depuis 1992 à aujourd’hui, je travaille cependant comme gestionnaire d’un programme mondial de formation de réfugiés en partance pour le Canada subventionné par le ministère de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et mis en œuvre par l’Organisation internationale pour les migrations, un organisme des Nations-Unies, dont le bureau principal est à Genève.  Ces réfugiés sont formés dans plus de quarante pays.

La fin d’une session de formation avec des réfugiés éthiopiens, érythréens, somaliens, yéméni et soudanais au Niger (2020).

Il y a eu plusieurs événements marquants qui m’ont poussé à faire les choix que j’ai faits, je suis sûre, mais on ne les reconnaît souvent que beaucoup plus tard.   Après le CEGEP à La Pocatière, j’ai appliqué pour une bourse d’études universitaires offerte par le Secrétariat d’état pour le bilinguisme.  Cette bourse exigeait que je travaille, un jour par semaine, comme monitrice de langues secondes dans une école secondaire.  Cette bourse allait faire d’une pierre trois coups :  couvrir mes coûts d’études universitaires, me faire voir si l’enseignement était vraiment ce que je voulais faire dans la vie, et m’offrir la possibilité d’être immergée dans une province anglophone de l’ouest du Canada.  Âgée d’à peine 20 ans, j’ai obtenu la bourse convoitée et je suis partie pour la Saskatchewan.  Ne parlant aucun mot d’anglais, cela n’a pas été facile.  Il y a certains cours que j’ai dû reprendre deux fois et un, trois fois.  

La fin d’une session de formation avec des réfugiés irakiens en Jordanie (2015).

À la fin de mon Baccalauréat, avec une maîtrise de l’anglais, j’ai appliqué pour un poste d’enseignante en Afrique, et quelques mois plus tard, je partais pour le Botswana, en Afrique australe.  Ce poste fut le déclenchement d’un grand attachement pour l’Afrique – ayant, jusqu’à aujourd’hui travaillé au Botswana (1982-84), au Zimbabwe (1986-1989), au Eswatini (1989) et au Kenya (2011-2016) et ayant voyagé pour le plaisir, et pour le travail, dans une trentaine de pays africains. Je me suis mariée en 1982, au Lesotho, en Afrique australe, dans un petit village dans les hauts sommets de la chaîne de montagnes du Drakensberg.  Curieusement, notre mariage a été célébré par un missionnaire québécois venant de Gatineau, et qui œuvrait dans cette région depuis plus de 25 ans. 

À la fin de notre contrat d’enseignement au Botswana, mon mari et moi avons entrepris notre premier long voyage, de près d’une année, et qui consistait à traverser le continent africain par voie terrestre, puis l’Europe par train, de Paris à Khabarovsk (en Sibérie), et le Japon.   Même si j’étais physiquement et culturellement loin du Canada, je me souviendrai toujours d’un moment extraordinaire, durant ce long parcours et qui nous fait rappeler que le monde n’est pas aussi grand qu’on le pense.  En 1984, après quatorze pays et douze heures de route sur un camion d’oranges, entre la capitale du Gabon et sa frontière avec le Cameroun, nous étions finalement arrivés à la rivière qui sépare les deux pays.  Nous allions donc traverser cette rivière en pirogue et entrer au Cameroun.  De l’autre côté, bien en vue, il y avait le poste frontalier et après avoir montré notre visa d’entrée et fait tamponner notre passeport canadien, le plan était d’explorer le Cameroun.  Hélas, une fois arrivés de l’autre côté de la rivière, on nous a annoncé qu’il y avait eu un attentat de coup d’état au Cameroun cette journée-là et que le pays interdisait l’entrée des étrangers.  Il a donc fallu rebrousser chemin, reprendre le service de pirogue sur la rivière pour enfin regagner le Gabon.  Comme il allait bientôt faire nuit, on nous a indiqué qu’il y avait un couvent près de là et que les religieuses allaient nous y accueillir.  Les religieuses ont vite reconnu mon accent québécois et en sont venues aux questions habituelles:  D’où venez-vous?  Je viens du Québec et mon mari vient de la Saskatchewan.  Et d’où exactement au Québec?  Ma famille vit à l’est de la ville de Québec.  Mais où exactement?   À environ 120 km à l’est de la ville de Québec, près de St-Jean-Port-Joli.   Hum, hum, près de St-Jean-Port-Joli?  Non, en fait, il faut faire un autre soixante kilomètres et c’est la dernière ville avant la frontière avec l’état du Maine, aux États-Unis.  Mais viendriez-vous par hasard de Saint-Pamphile?   À ce moment-là de la conversation, une des religieuses nous a raconté que Clémence Dumas, une de mes enseignantes de la polyvalente de Saint-Pamphile, avait enseigné dans ce couvent pendant cinq ans et qu’ils avaient beaucoup entendu parler de Saint-Pamphile!  C’est juste un exemple de ces moments marquants, et si précieux, qui nous font rappeler que le monde est petit et que nous sommes interconnectés.  Saint-Pamphile est un petit point noir sur la carte du Canada et je retrouve des affiliations avec des gens de Saint-Pamphile ici et là, sur tous les continents.  

Quand nos deux filles, nées en 1990 et 1996, étaient petites, elles avaient une fois demandé pourquoi on avait fait tous ces voyages transcontinentaux (l’Afrique, l’Europe et l’Asie) sans elles.  Pourquoi on n’avait pas attendu qu’elles soient nées. Elles ont néanmoins passé toute leur vie à l’étranger et sont toutes les deux rentrées au Canada à l’âge de 25 ans.  Travaillant au Kenya, de 2011 à 2016, nous sommes retournés, trente ans plus tard, revisiter ces pays avec elles.  Nous sommes aussi retournés à Semonkong, au Lesotho, pour leur montrer où leurs parents se sont mariés.  Bien sûr, le missionnaire québécois n’y était plus et beaucoup avait changé dans le village, mais en cherchant dans les registres de la petite église, mes filles ont retrouvé nos noms et une copie de notre certificat de mariage avec le nom de ma ville natale!

Photo de famille :  Louise, Anne-Marie, son mari Robyn, Adèle et Jeffrey (Août 2021).

Entre tous ces emplois et voyages, il y a eu de brèves périodes au Canada.  Pendant cette période, j’ai entrepris ma maîtrise en Science de l’éducation à l’Université d’Ottawa (où j’ai aussi pu enseigner le français langue seconde pendant trois ans à temps plein, tout en faisant ma maîtrise par les soirs).   En 1992, nous sommes repartis pour le Vietnam pour gérer un centre de formation pour la réunification de familles vietnamiennes avec les « Boat People » arrivés dix ans plus tôt au Canada.  La première fois que je suis entrée au Vietnam était comme touriste en 1989.  Qui aurait dit que trois ans plus tard, j’allais m’y installer et y rester pendant cinq ans?   Cet emploi, au sud du Vietnam, a été un tremplin important qui a marqué le reste de ma carrière.   Ça fera bientôt 30 ans que je travaille à l’étranger avec cet organisme des Nations Unies.  Dans le cadre de ce programme, plus de 300,000 réfugiés, des quatre coins du monde, sont passés dans nos cours et vivent désormais au Canada.  Ils contribuent aujourd’hui de façon active à bâtir notre pays.  

Des enfants réfugiés au Soudan (2013).   Ils sont l’inspiration qui me pousse à continuer ce travail.

Voici les pays où j’ai travaillé :  Botswana (1982-1984), Zimbabwe (1986-1989), Eswatini (1989), Vietnam (1992-1997), Cuba (1997), Autriche (1998), Pakistan (2000-2002), Syrie (2002), Philippines (2002-2008), Jordanie (2008-2011), Kenya (2011-2016), Suisse (2016 à aujourd’hui). 

Louise Bélanger

Photo en page couverture : sur le bord du Lac de Genève où je travaille depuis 2016 (mai 2021).