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Rendez-vous à Tourville ! – Un voyage dans le temps…

Par Françoise de Montigny-Pelletier le dans Lecture.

Tourville serait-il un rendez-vous pour les écrivains! La maison d’édition VLB a lancé sur le marché, au début mars, le premier livre de Pierre Rancourt, auteur natif de Tourville et situant le sujet de son œuvre dans cette municipalité de nos Hautes Terres. La forme de cette œuvre ressemble à une autobiographie romancée, cependant, ce n’est pas l’auteur qui parle mais bien son personnage principal, Daniel Boivert… Ne pas se méprendre, il ne s’agit pas de la biographie de l’auteur!

Rendez-vous à Tourville est donc une fiction, prétexte à décrire le Québec sous Duplessis, période qualifiée de « grande noirceur », et l’emprise du « Ciennar » à Tourville. Comme le chantait Charles Aznavour : « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Ce livre est précisément un retour vers cette période marquante que furent les années cinquante. Occasion donc, pour les lectrices et lecteurs plus jeunes que les « plus de 70 ans », de faire connaissance avec ce pan de notre Histoire québécoise. Pierre Rancourt, qui a pratiqué le droit jusqu’à ce qu’il bifurque vers la profession de psychologue, spécialité qui l’a occupé jusqu’à sa retraite, a décidé d’occuper celle-ci par l’écriture. Une écriture romanesque qui campe le Québec de son enfance par l’intermédiaire d’un personnage principal, le conteur, Daniel Boivert. Celui-ci raconte sa vie en même temps qu’il dépeint l’univers culturel, social et politique de son époque tout en nous livrant l’intimité d’extraits de son journal d’enfant et de ses compositions françaises à l’école. Il se fait l’observateur et l’acteur à la fois d’évènements marquants de sa vie dont certains sont propres à l’Histoire de Tourville avec ses lieux, ses activités, des personnalités typées de cette communauté. Les lecteurs et lectrices qui auront vécu les années cinquante et soixante, avec l’arrivée de la télévision dans les foyers, reconnaîtront les références à ce qui aura coloré la vie publique et culturelle de cette époque, localement et à l’échelle du Québec. Ces « repères » deviendront peut-être pour quelques instants des « repaires » dans lesquels l’auteur nous permet de revivre et ressentir les émotions passées, tantôt avec nostalgie, tantôt avec soulagement… ouf! Les leçons du passé ne devraient-elles pas nous guider? Autres pays, autres mœurs… Autres époques, autres valeurs? Certes, un certain mode de vie et de relations humaines propres à cette époque lointaine seraient intolérables et inadmissibles maintenant; mais de nouvelles habitudes contemporaines par contre ne devraient pas l’être davantage. Cependant, la vie quotidienne qui a coloré l’enfance du jeune Daniel a certainement vu aussi des caractères humains héroïques dans leurs faits et gestes et pensées, leur courage et leur altruisme solidaire.

Dès les toutes premières pages de la narration comme telle, après les premières citations et la « note au lecteur », le ton du livre se révèle… Personnellement, l’astérisque sur la deuxième page du récit référant à une note explicative lue au bas de la feuille, a provoqué chez moi un fou rire… anticipant ce qui allait suivre. Les confidences du personnage principal prennent un ton tantôt critique, tantôt candide, ou encore blasé ou humoristique, au fil des pages. Perception d’un enfant de neuf ans ou analyse de l’adulte qu’il est devenu, on a droit à un chassé-croisé d’émotions et d’opinions! L’enfant cultive une admiration sans borne pour Jeannette Bertrand découverte grâce au journal puis à la télé : « celle qui voit ce que les autres ne veulent pas voir ». Les chapitres sont nombreux et courts, donnant la parole tantôt à l’enfant, tantôt à l’adulte. Le style d’écriture est très personnel, tantôt très conforme et littéraire, avec un riche vocabulaire, tantôt laxiste ou permissif, pour y permettre l’introduction de formules drolatiques du langage populaire, quand ce n’est pas carrément persiflant.

L’auteur ne passe pas sous silence la contribution de plusieurs personnes qui ont lu ses manuscrits d’une version à l’autre. Il leur est reconnaissant de l’avoir conseillé, d’avoir cheminé avec lui à travers à la fois les élans créatifs de son imagination et les émotions manifestées à l’évocation de ses souvenirs ou de leur mémoire commune. Il nomme à la fin de l’ouvrage ces lectrices et lecteurs privilégié(e)s. Même si le récit du jeune personnage baigne dans un paysage souvent fictif, on s’attendrit pour le jeune Daniel, philosophe et candide, et on s’étonne qu’un adulte comme l’écrivain, bien que doté d’un talent de psychologue et de sociologue, puisse tant comprendre les perceptions d’un enfant et si bien les exprimer. Rendez-vous à Tourville est déjà disponible à Saint-Pamphile au Café Librairie La Pagaille et on espère le voir s’ajouter aux collections de nos bibliothèques locales bientôt et recevoir son auteur dans nos Hautes Terres!