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Une expérience de vie à Blanc-Sablon

Par Journal l'Écho d'en Haut le .

Tout d’abord, je vous offre mes salutations. Je m’appelle Cloé Troie, fille de Robin Troie et de Sylvie Boucher. Je suis la petite-fille de Réal Troie et d’Yvette Bourgault, originaires de Saint-Pamphile et de Sainte-Perpétue. Je suis également la petite fille de Clément Boucher et de Thérèse Gagnon, originaires de Tourville et de Saint-Damase. Je suis maintenant âgée de 28 ans. Je vous écris aujourd’hui pour partager mon expérience de vie des dernières années. J’ai quitté la région de L’islet, il y a de cela 3 ans, en direction du dernier village à l’est du Québec sur la Basse- Côte-Nord. Un petit village nommé Lourdes-de-Blanc -Sablon.

Au début de ma carrière d’enseignante en adaptation scolaire et sociale, j’ai sillonné les villes et les villages du territoire de la commission scolaire Côte-Sud pour y faire de la suppléance. Une expérience que j’ai beaucoup aimée, car j’ai pu comprendre les rouages du système d’éducation et découvrir une grande variété d’écoles, de classes et surtout d’élèves. À l’époque, le besoin d’enseignants n’était pas criant comme actuellement. Ainsi, il n’y avait pas de sécurité d’emploi. La stabilité était alors un objectif inatteignable pour moi, qui la recherchais.

L’une de mes croyances pédagogiques est que pour enseigner, il faut avoir un lien affectif avec nos apprenants, ce que la réalité de suppléance n’accorde pas dans le système actuel.

Petite, je rêvais de grands espaces, de nature et de tranquillité.

Il me vint alors l’idée de postuler pour aller enseigner dans le nord en région isolée afin d’avoir la chance de m’investir dans un milieu stable. En juillet 2016, j’étais convoquée à une entrevue d’embauche au centre-ville de Montréal pour y rencontrer les responsables des ressources humaines.

Cloé Troie au centre-ville de Montréal la journée de son embauche

Quelques jours plus tard, j’apprenais que j’étais sélectionnée pour combler le remplacement en orthopédagogie au primaire dans une école de Lourdes-de-Blanc-Sablon. J’avais alors un mois pour déplacer ma vie vers la Basse-Côte. J’ai donc tout emballé dans des boîtes sans savoir vraiment où je m’en allais…. Mes boîtes et ma petite voiture sont parties en direction de Rimouski pour y faire la route navale à bord du Bella Desgagnés, navire de ravitaillement de la Basse-Côte-Nord.

Bref, une fois embauchée, la commission scolaire nous informe brièvement des procédures pour se rendre et pour gérer notre déménagement. Aussi, une petite quantité d’informations sur le milieu de vie qui nous attend nous sont offertes. Il est important de savoir que pour se rendre à Blanc-Sablon, il y a quatre choix : la route du Labrador en passant par Fermont, la route des Maritimes en passant par Terre-Neuve, la route navale du Bella qui prend une semaine à compléter ou finalement il y a l’avion. Le billet d’avion se magasinant entre 1 800 $ – 2 400 $ pour l’aller-retour et ce, dans de petits avions sans services, sans chauffage et souvent sans toilette.

De plus, il est important de noter que chaque vol vers Blanc-Sablon comprend un minimum de quatre arrêts. Comme on dit en bon québécois, c’est une belle “run de lait” car nous prenons ou débarquons des passagers des petits villages de la Côte-Nord tout au long du voyage.

Je me rappellerai toute ma vie de mon réveil dans l’avion lors de mon départ. J’étais entourée de personne des premières nations parlant le cri et riant généreusement du fond de leur gorge laissant monter en moi un premier sentiment de dépaysement total. Pourtant, je ne quittais pas vers un autre pays… mais bien pour un autre village dans ma propre province. Après peu de temps, j’ai compris que le nord du Québec c’est complètement un monde à part…

Au-delà de toute cette adaptation à une nouvelle réalité et à un nouveau mode de vie, j’y ai découvert une force unique… Les enfants ! Les élèves de mon école étaient encore des enfants axés sur le plein air. Ils sont bien loin de la dépendance à la technologie, ce sont des enfants de plein air. C’est remarquable. De plus, les élèves sont encore respectueux envers la profession enseignante ce qui amène un climat de travail extraordinaire. J’ai développé une relation très privilégiée avec mes élèves là-bas. Chaque été, j’ai des parents d’élèves et des enfants qui arrêtent me visiter. Un des grands défis a été de m’adapter à leur niveau de compréhension de la langue française puisque la majorité des familles sont anglophones. Donc, j’animais mes rencontres de parents majoritairement en anglais, j’allais même jusqu’à traduire mes plans de semaine de devoirs et leçons en anglais pour des parents uniquement anglophones. La première année, j’ai été orthopédagogue au primaire. La deuxième année, j’ai été enseignante de première année au régulier. Finalement, l’an passé, j’étais orthopédagogue au secondaire. Ma plus grande fierté est d’avoir appris à lire et à écrire à 14 petits apprenants de première année dans une langue qui est seconde pour eux.

À propos : Géographie
Le village de Lourdes-de-Blanc-Sablon est situé juste à l’ouest de la localité de Blanc-Sablon et au sud du village adjacent de Brador. Il s’étend sur un promontoire connu sous le nom de « Longue-Pointe », qui sépare la baie de Brador de la baie de Blanc-Sablon.

La chute de Brador

Lors du recensement de la population de 2011, le village comptait 828 habitants contre 910 lors du précédent recensement.
Lourdes-de-Blanc-Sablon est située dans la région touristique de Duplessis à environ 2239 km de Montréal et 2013 km de la ville de Québec. Les services offerts dans la municipalité sont : une épicerie, un dépanneur, une station-service, une caisse populaire, un bureau de poste, un poste de police, un hôpital, un concessionnaire de motoneiges, un taxi, un restaurant, une école, une résidence pour personnes âgées, une auberge, un motel et un casse-croûte.

Les faits saillants :
L’alimentation est très peu variée. Il n’y a pas beaucoup de variété de fruits et de légumes frais. De plus, il arrive régulièrement de manquer d’approvisionnement alimentaire durant l’hiver. L’hiver dernier, nous avons manqué de lait, de crème glacée et d’œufs durant plus de deux semaines.

Le magasin à grande surface le plus près se trouve sur l’Ile de Terre-Neuve à Corner Brook, soit 2 heures de traversier et 5 heures de voiture pour un aller simple.

Le seul loisir qui unit la population est le sport, majoritairement le hockey et chez les jeunes le volley-ball. Les autres loisirs sont la chasse, la pêche, la randonnée à motoneige ou à VTT.

La cueillette de petits fruits est aussi populaire, il y a un petit fruit unique dans la région de la Basse-Côte-Nord, c’est la chicoutai ou communément appelée bakeapple.

Un passe-temps fortement apprécié des étrangers comme moi est simplement de parcourir le territoire pour y admirer les paysages. Chaque saison a ses attraits particuliers. L’été, c’est la contemplations des baleines. Au printemps, c’est au tour des icebergs. Quand l’hiver arrive, c’est le temps des loups-marins. Finalement, l’automne est marqué par les petits fruits.

Iceberg en juin au large de Lourdes-de-Blanc-Sablon

Finalement, il n’y a pas de mots assez puissant pour décrire correctement l’expérience vécue à Lourdes-de-Blanc-Sablon. Si vous voulez y voyages, il me fera plaisir de répondre à vos questions ou de vous mettre en contact avec mes connaissances et amis du coin, car là-bas plus qu’ailleurs vaut mieux connaître quelqu’un que quelque chose !

Pour conclure, je tiens à remercier les membres de ma famille et mes proches pour le support offert.

Photo en page couverture :
Paysage hivernal, municipalité de Bonne Espérance.

Au plaisir,
Cloé Troie
cloetroie@hotmail.com
Texte révisé par Rosalie Lebel