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CHRONIQUE DE L’INTÉRIEUR – LE TROUBLE SCHIZO-AFFECTIF

Par Journal l'Écho d'en Haut le .

Par : Ariane Lacasse, Maison de la Famille de la MRC de L’Islet

Voici une entrevue réalisée avec une personne vivant avec le trouble schizo-affectif. La personne a voulu conserver l’anonymat.

Vers quel âge as-tu su que tu vivais avec ce trouble? Et, selon toi, y a-t-il eu des déclencheurs?

J’avais 21 ans lorsque je l’ai vraiment su. Mais, à 18 ans, j’ai vécu un choc émotionnel suite à une situation troublante que j’ai vue dans une résidence privée où demeurait une personne âgée. A ce moment, j’étais très fatiguée car je terminais une année d’étude au Cégep. Ces images sont devenues des idées obsessionnelles. Une peur maladive de vieillir s’est déclenchée et je me sentais bizarre. J’avais la sensation d’être dans un autre monde. Je suis allée consulter un médecin. A ce moment-là, j’étais en pleine psychose.
J’ai aussi eu à faire le deuil de mon père, car il est décédé lorsque j’étais enfant. Cela a créé beaucoup d’angoisse.

Quels sont pour toi les symptômes de cette maladie? Et comment vis-tu avec ça?

Le plus difficile pour moi c’est la dépression, car le geste le plus banal devient compliqué (même se brosser les dents). Aujourd’hui, je prends tous les jours quelques médicaments qui maintiennent mon état de santé mentale assez stable. Je dois constamment faire attention à mon état de fatigue. J’ai fait, une seule fois, une hypomanie (humeur exaltée). Elle est survenue lors de ma 3e rechute ; je dormais seulement environ 3 heures par nuit et j’étais très énergique, ce que je trouvais étrange. C’était finalement dû à un changement de médication. Mais quand l’énergie retombe après ça, c’est la dépression et c’est vraiment difficile. Et, lors de la dernière rechute, j’ai vraiment eu peur de ne pas m’en sortir. Heureusement, je n’ai pas de séquelles de ma maladie au niveau cognitif et je peux fonctionner normalement, avec quelques limitations au niveau de l’énergie.

Quels sont, pour toi, les signaux d’alarme de cette maladie?

Je porte attention à mes pensées ; si une idée fixe me reste en tête trop longtemps, si je suis plus fatiguée, plus désorganisée, mêlée, ce sont des signaux d’alarme. Quand faire une chose banale devient compliqué, c’est qu’il y a un problème. Il faut que je fasse attention aux pertes d’énergie, de plaisir et au fait que le goût de manger et que l’appétit n’y sont plus. Avoir envie de dormir beaucoup plus est aussi un signe que ça ne va pas.

Les plus grands défis que tu as eu à surmonter par rapport à ce trouble?

Avec le vieillissement, ce qui me fait peur c’est de penser « est-ce que la maladie va être pire en vieillissant, mettons à 70 ans? » On n’a pas beaucoup de modèles de ce genre!
De plus, j’ai pris du poids à cause de la prise régulière de médication et l’image de moi est plus difficile à accepter. C’est un défi. Aussi, je n’aurai pas d’enfants par peur de transmettre ce trouble. C’est génétique en partie. J’ai aussi eu de la difficulté à m’affirmer dans mon enfance et j’avais peur de l’échec.
La maladie mentale peut ralentir quelqu’un. À l’émission Tout le monde en parle, un invité a dit : « La maladie mentale peut te faire perdre 25 ans de ta vie. » Je sens que c’est vrai. Aujourd’hui, j’ai repris une partie de ce retard mais pas comme je le voudrais. Je dois toujours respecter mes limites et parfois, c’est frustrant. Le regard des autres n’est pas facile : pensent-ils que je suis paresseuse lorsque je dis que je ne peux pas faire ceci ou cela? Je me sens parfois jugée. Ce n’est pas une question de manque de volonté, le trouble et la médication amènent des limitations, même si je peux réussir comme tout le monde.

Quelles forces as-tu ?

Si je n’avais pas eu cette maladie, est-ce que j’aurais eu autant de volonté, autant d’ambition? Je ressens le besoin de prouver aux gens que, même si j’ai une maladie, je suis capable de faire aussi bien qu’une personne qui n’a pas de problématique. C’est peut-être ma mission dans la vie? Également, je me connais bien maintenant, j’apprends à vivre avec cette maladie. J’ai réussi à faire des études malgré ma condition. C’est un accomplissement important pour moi. De plus, j’entretiens de belles relations amicales et familiales. En fait, je suis bien entourée. Je travaille à temps partiel et je termine un cours en même temps! Même des gens sans trouble de santé ne sont pas toujours capables d’accomplir ça. Alors, je peux dire que suis très fière de moi. En somme, tout est possible quand on a la volonté et la détermination d’accomplir nos rêves et nos objectifs.